De nombreuses minières trouvent le coût du recyclage des pneus hors route prohibitif, mais Dan Allan, vice-président principal de Mining Tire Group de Kal Tire, affirme qu’il est possible de trouver des arguments solides pour les convaincre et ainsi augmenter nos profits tout en les aidant à atteindre leurs objectifs environnementaux.

Drone footage of recycling facility in northern Chile

L’industrie minière est l’un des plus grands utilisateurs mondiaux de pneus hors route, qu’on appelle aussi pneus d’engins de terrassement. Les pneus sont des produits consommables et suivent donc un cycle prévisible : fabrication, utilisation et élimination, avec peu d’options de refus ou de réutilisation. Toutefois, l’intérêt grandissant pour les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance des minières a mis à découvert les pratiques de gestion des déchets de ces dernières, une observation qui a fait naître le désir d’une économie circulaire dans les modèles d’affaires. C’est dans ce contexte, aussi marqué par l’imminence d’une réglementation dans divers pays où l’industrie minière est très présente, que les organisations sont portées à réétudier la possibilité de recycler les pneus et cherchent des arguments qui pourraient les convaincre du bien-fondé de cette solution.

On pense souvent à tort que le recyclage des pneus n’est qu’une dépense d’exploitation supplémentaire que les entreprises préfèrent éviter alors que les marges sont déjà réduites par les faibles teneurs en minerai et les coûts élevés de l’énergie et de la main-d’œuvre. Mais si on prend les devants, on peut très bien trouver des avantages au recyclage pour les enjeux environnementaux et sociaux et la réputation des minières tout en aidant ces dernières à atteindre leur objectif à court terme de neutralité carbone et, à long terme, de zéro déchet.

Combien de pneus?

Bien qu’il n’y ait pas de chiffres concrets sur la quantité de pneus hors route usagés générés dans le monde, les tonnages importés chaque année sur les principaux marchés miniers donnent une bonne idée des risques et des possibilités en jeu.

D’après le rapport d’analyse des pneus hors route usagés publié par Tyre Stewardship Australia en 2020, l’industrie minière australienne a généré 68 100 tonnes de pneus usagés en 2019.

Sur ce nombre, 63 300 tonnes (93 %) ont été éliminées sur place, c’est-à-dire empilées ou enfouies, 2 000 tonnes (3 %) ont été envoyées à la décharge et seulement 700 tonnes (1 %) ont été recyclées, le reste étant stocké ou utilisé pour des travaux de génie civil.

De 2014 à 2019, les mines métallifères et non métallifères australiennes ont collectivement généré 315 500 tonnes de pneus usagés.

Même son de cloche dans d’autres marchés. Le Chili a sur son territoire six des dix plus grandes mines de cuivre du monde, et on estime à 500 000 le nombre de tonnes de pneus hors route usagés produites. L’Australie et le Chili ne sont que deux exemples parmi tant d’autres. Les mines ont de longues durées de vie, certaines atteignant plus de 40 ans. On peut donc en conclure sans trop se tromper qu’il y a probablement des millions de tonnes de pneus usagés sur les sites miniers du monde entier.

Dans les mots de Dan Allan, vice-président principal de Mining Tire Group de Kal Tire : « Il y a d’énormes quantités de pneus hors route qui attendent leur dépôt final dans les mines du monde entier. Sur certains sites, les piles sont si grosses qu’on peut les voir sur Google Earth, par exemple. Il est difficile de trouver des solutions pour gérer ces pneus, car très peu d’installations de recyclage peuvent traiter les pneus miniers. Certains produits pour les camions ultralourds pèsent environ cinq tonnes chacun. Il faut donc un équipement spécialisé pour les soulever, un moyen de les transporter, dans certains cas sur de longues distances, jusqu’aux installations, puis des broyeurs spécialisés pour en réduire la taille. »

« Même dans les pays où le recyclage des pneus hors route est obligatoire, les entreprises autorisées à collecter les pneus ont souvent du mal à le faire en raison des coûts et de la logistique associés. Ils préfèrent collecter les pneus des voitures ordinaires, car ils sont plus faciles à manipuler. »

Bien que les pneus hors route usagés soient, dans la plupart des mines, simplement enterrés ou utilisés pour l’aménagement paysager à la fermeture de la mine, certaines entreprises font ce qu’elles peuvent pour les réutiliser en attendant. On va par exemple couper les pneus en deux et les utiliser comme bermes de sécurité le long des voies de roulage ou les donner à des voisins agriculteurs qui s’en servent comme mangeoires pour le bétail. Cependant, le problème reste entier : les pneus ne subissent aucune dégradation. Bien que les matériaux qui les composent soient chimiquement inertes, ces pneus ne disparaîtront jamais, qu’ils restent sur place ou qu’ils soient envoyés à la décharge.

 

Pyramide du recyclage

Les marchés des pneus de voitures et de camions routiers sont plus avancés sur le plan du recyclage; ce dernier est plus répandu et la chaîne d’approvisionnement est mieux rodée. Ces pneus sont couramment broyés et utilisés comme combustible dérivé de pneus, ou transformés en poudrette de caoutchouc qui peut être réutilisée, par exemple, dans l’asphalte ou les projets d’infrastructure.

« Le broyage est préférable à l’enfouissement des pneus, mais, en fin de compte, il ne fait que retarder le transport à la décharge, explique Allan. La quantité de pneus nécessaire dans les terrains de jeu ou pour les mangeoires pour bovins n’est pas si énorme, et on peut vraiment se passer de brûler d’autres produits à base de pétrole. »

« Le but idéal serait de trouver les meilleures utilisations possibles de ces matériaux. En décomposant les pneus en leurs éléments fondamentaux (noir de carbone, acier et produits dérivés du pétrole), nous pouvons les réutiliser pour créer de nouveaux pneus. C’est une solution parfaite, un substitut aux produits carbonés neufs qui contribue à réduire l’empreinte carbone totale. »

Circulaire par nature

La décomposition d’un pneu radial hors route de 63 pouces de diamètre par conversion thermique ou pyrolyse produirait environ 1 600 kg de cendres de carbone qui peuvent être valorisées et utilisées à la place de noir de carbone neuf. Elle produirait également 900 kg d’acier à haute résistance à la traction et 2 000 litres de produits dérivés du pétrole qui peuvent être raffinés et utilisés pour créer de nouveaux pneus ainsi que 350 mètres cubes de gaz synthétique qui peut alimenter le processus de recyclage.

La clé dans les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance

Scrap OTR Earthmover Mining tyres on mine site

Bien que les pneus usagés soient chimiquement inertes, leur stockage présente toujours des risques. La forme des pneus hors route est telle que leur intérieur est caverneux et susceptible de retenir l’eau, ce qui peut attirer les araignées et les serpents, par exemple. Le déplacement de ces pneus peut ainsi présenter un danger pour la sécurité des employés. Les pneus sont également inflammables, et les incendies de pneus peuvent être difficiles à maîtriser et à éteindre si un accident devait se produire.

Mais les plus grands risques (et par le fait même les meilleures occasions à saisir) sont liés aux enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance. Les investisseurs, les parties prenantes et les propriétaires fonciers s’intéressent de plus en plus à la manière dont les minières gèrent leurs terres.

Bien que les minières ne soient pas encore tenues de divulguer la quantité de pneus usagés détenus sur le site et la manière dont ils sont gérés, les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance prennent beaucoup en vitesse, avec les outils de divulgation qui y sont associés.

À terme, des pratiques dépassées, telles que l’enfouissement des pneus, pourraient constituer un risque pour la réputation d’un secteur dont la feuille de route environnementale et sociale est de plus en plus scrutée à la loupe. Étant donné qu’ils sont une forme très visible de déchets (même les stocks enterrés doivent être marqués dans certains pays), les pneus usagés peuvent également faire des minières une cible pour les groupes environnementaux et les manifestants en colère.

L’Ontario, au Canada, a été l’une des premières grandes destinations minières à adopter une loi sur le recyclage des pneus en 2016. Cependant, cette loi porte principalement sur le broyage et la réutilisation du caoutchouc. Il existe également des initiatives volontaires dans d’autres provinces canadiennes. Par exemple, Mining Tire Group de Kal Tire s’est associée à Liberty Tire LLC pour offrir des services de broyage de pneus d’engins de terrassement dans tout l’ouest du Canada. L’Afrique du Sud dispose également d’un programme de recyclage des pneus usagés dans le cadre duquel une taxe est imposée sur les pneus nouvellement achetés pour financer le recyclage, mais les fabricants ont indiqué que ce système avait des lacunes et a entraîné l’accumulation de pneus.

La solution : la conversion thermique

Le Chili a récemment adopté une loi qui impose le recyclage des pneus à 25 % dès 2023, à 75 % à partir de 2027 et à 100 % à partir de 2030. Pour atteindre ces objectifs, Mining Tire Group de Kal Tire a ouvert une installation de recyclage de pneus hors route à Antofagasta en 2021, qui peut traiter jusqu’à 20 tonnes de pneus par jour, y compris des produits pour les camions ultralourds. L’entreprise a mis au point un processus unique de conversion thermique qui utilise la chaleur et la friction pour reconvertir les pneus en leurs éléments de base; tous les matériaux deviennent ainsi réutilisables, le tout sans émission nocive. La solution est adaptable à d’autres marchés miniers et pourrait y être reproduite.

 

 

L’Australie semble être la prochaine sur la liste; Tyre Stewardship Australia a récemment reçu une subvention fédérale pour réaliser une analyse de rentabilité visant à améliorer la récupération des pneus hors route usagés dans divers secteurs, notamment les mines. Le rapport final devrait être remis en mars 2023.

Les règlements de ce genre constituent un pas dans la bonne direction. Toutefois, ils ne sont applicables qu’à partir de la date de leur entrée en vigueur. De nombreuses mines auront été en activité bien avant et auront constitué une pile de pneus usagés. Elles pourraient se trouver exemptées des nouvelles règles en raison de la réglementation en vigueur au moment de l’octroi du permis.

Bien qu’il soit peu probable que les pneus enfouis aient un jour besoin d’être déterrés, au fur et à mesure que les lois seront adoptées, les minières devront faire évoluer leurs pratiques de gestion des pneus usagés et de fermeture des mines afin d’être en conformité.

La réputation est aussi en jeu. Les minières présentes dans plusieurs pays sont censées appliquer les mêmes normes élevées et les mêmes meilleures pratiques aux mines situées dans des territoires non réglementés qu’à celles situées dans des territoires réglementés. Ce faisant, elles ont la possibilité de se positionner à l’avant-garde des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance et de remonter la barre pour l’ensemble du secteur.

Trouver le financement

Kal Tire's Thermal Conversion OTR tyre recycling plant

Le désir de changement est réel, mais la question demeure : comment le financer? Quelle que soit la méthode de recyclage choisie (pyrolyse, dévulcanisation, cryogénie, etc.), le recyclage des pneus hors route est coûteux et, en l’absence de réglementation, les mines peuvent avoir du mal à justifier l’affectation de capitaux.

M. Allan explique la situation : « L’un des moyens d’y parvenir est d’accéder aux budgets de réhabilitation des mines. Chaque mine dispose d’une réserve d’argent pour leur fermeture et la remise en état des lieux. La difficulté réside dans la capacité à accéder à ce budget dès aujourd’hui, afin que les mines puissent recycler les pneus progressivement au lieu d’attendre la fermeture, lorsque des milliers de pneus attendent qu’on fasse quelque chose d’eux. Il faudrait apporter des changements internes pour que le budget de réhabilitation et celui de recyclage des pneus puissent faire fusion. »

Les organismes de réglementation du monde entier commencent également à pencher en faveur de l’idée. En avril 2022, le gouvernement de la Colombie-Britannique a adopté une politique provisoire sur les garanties pour les travaux de remise en état pour l’industrie minière, qui exige que les estimations des coûts inhérents à la responsabilité de remise en état comprennent à la fois la remise en état au sens traditionnel du terme (comme le remblayage et la revégétation) et les responsabilités environnementales (comme le traitement des eaux). La politique exige également un cautionnement pour certains travaux de remise en état et encourage activement la remise en état progressive des lieux tout au long de la durée de vie de la mine, conformément aux meilleures pratiques de l’industrie, afin de réduire les exigences qui incomberont au site, les délais de fermeture et les obligations de surveillance continue. En adoptant une approche préventive du recyclage des pneus, les minières ont ainsi la possibilité de se montrer encore plus respectueuses de l’environnement et ainsi de mieux paraître auprès des diverses parties prenantes.

Des taxes sur le carbone se profilent également à l’horizon. Dans les pays qui disposent actuellement d’une loi sur le recyclage des pneus hors route, le rechapage ou la prolongation de la durée de vie des pneus usagés fait partie intégrante du processus. Certaines entreprises peuvent s’en servir pour obtenir des crédits carbone qui peuvent (grâce à des accords de plafonnement et d’échange) contribuer à compenser le coût du recyclage.

Initiatives bonnes pour le bilan carbone

M. Allan ajoute : « Le commerce du carbone est encore en pleine évolution. Cependant, on voit déjà comment le rechapage et le recyclage pourraient contribuer à réduire les émissions de carbone. Par exemple, le programme Maple de Kal Tire utilise une calculatrice de carbone certifiée par un tiers pour quantifier les réductions d’émissions des minières qui ont recours au service de rechapage et aux procédés Ultra TreadMC et Ultra RepairMC et les récompenser en conséquence. »

Le gain en popularité du recyclage peut également favoriser la prospérité sociale. En s’engageant à recycler et à établir des partenariats avec des entreprises autochtones ou indigènes afin de créer des chaînes d’approvisionnement fiables et respectueuses de l’environnement, les minières peuvent ainsi stimuler le perfectionnement des compétences et des capacités technologiques locales pour le bien à long terme des milieux où elles sont implantées.

« En recherchant les meilleures utilisations possibles de ces matériaux, les minières créent un cercle vertueux, indique M. Allan. Comme le carbone ne se dégrade pas, les pneus hors route peuvent devenir une source de noir de carbone qui peut servir à réduire la pression sur la production primaire. Environ 8,1 millions de tonnes (18 milliards de livres) de noir de carbone sont produites chaque année dans le monde, dont 90 % sont utilisées dans des produits en caoutchouc. Imaginez la vague qui pourrait déferler dans une optique d’économie circulaire si l’industrie minière s’efforçait de revaloriser ses pneus usagés. »

Travailler ensemble pour revaloriser les pneus

En définitive, une approche diversifiée est nécessaire pour encourager et rendre accessible le recyclage des pneus hors route. Il faut notamment pour ce faire une politique publique, des normes (pour garantir la sécurité et la qualité du processus de collecte et de recyclage), des investissements précoces de la part des minières, des innovations technologiques et des produits novateurs de la part des fabricants de pneus et la volonté des entreprises locales de développer les compétences et les capacités nécessaires pour revaloriser ces « déchets ». La transparence, la communication et la collaboration sont obligatoires tout au long de la chaîne de valeur si on veut y parvenir.

« Pour rendre cette transformation possible, les minières doivent trouver des moyens de faire le pont entre leurs conseils d’administration et les mines comme telles afin d’avoir une vision concrète de l’enjeu et d’aider les équipes à accéder aux budgets de réhabilitation, conclut M. Allan. Les entreprises pourraient envisager des moyens d’accéder à ces fonds pour satisfaire aux obligations actuelles de remise en état : elles n’ont pas besoin d’attendre la 25e année pour commencer à transformer leurs pneus usagés en produits utiles. »

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