Systèmes autonomes, piles à hydrogène, technologies électriques, batteries : les camions miniers sont en pleine évolution alors que les mines pullulent ou prennent de l’expansion. La demande augmente, le nombre de camions suit, mais il n’en est pas de même pour les outils et méthodes d’entretien des pneus miniers, et la sécurité en est la grande perdante.
Entre 2018 et 2023 sont survenus plus d’une douzaine d’accidents mortels liés à l’entretien de pneus miniers. Quelles sont les options de l’industrie pour perfectionner le travail d’entretien des pneus au même rythme que l’innovation sur les camions dans une optique de protection des techniciens de pneu tout en respectant les exigences des minières d’aujourd’hui? Selon Kal Tire, il est impératif, voire urgent de se tourner vers la recherche collaborative et la mise au point d’outils, de pratiques et de systèmes qui réduisent les risques pour ceux qui travaillent si près des plus gros pneus de l’industrie minière.
Travailler sous pression: un risque bien réel
Parmi les risques les plus importants avec lesquels doivent composer les techniciens de pneu se trouve l’énergie qui s’accumule dans les pneus en fonctionnement. Un ensemble pneu mal installé ou un anneau de verrouillage qui se brise peuvent entraîner la libération d’une quantité effroyable d’énergie qui vont projeter des pièces du pneu en direction des techniciens s’ils se trouvent au mauvais endroit au mauvais moment.
Il y a aussi le risque que des pneus prennent feu ou que des véhicules soient frappés par la foudre, entrent en contact avec des lignes électriques ou roulent dans des conditions dangereuses. En situation de chaleur élevée, les pneus peuvent subir une pyrolyse, soit une décomposition du caoutchouc. Il en résulte des gaz qui augmentent la pression interne du pneu et peuvent provoquer une explosion. Ce sont des situations qui entraînent des blessures graves, voire mortelles, et peuvent grandement abîmer le matériel environnant.
Ce sont traditionnellement des techniciens chevronnés qui inspectent les pneus pour déterminer si des conditions sont potentiellement dangereuses. Il est habituellement impossible de voir de l’extérieur si la chaleur ou la pression est trop élevée : le technicien doit donc s’approcher du pneu et déterminer par les yeux, l’ouïe, le toucher et même l’odorat s’il est sécuritaire d’utiliser le pneu.
L’arrivée des systèmes de surveillance de la pression des pneus dans l’industrie minière au début des années 2000 a été un grand pas en avant à cet égard. Des capteurs intégrés dans chaque pneu fournissent à distance et en temps réel des relevés de température et de pression aux équipes d’entretien. Si les pneus deviennent trop chauds, le système alerte les conducteurs pour qu’ils arrêtent leur véhicule le temps que les pneus refroidissent pour diminuer les risques d’incendie et d’explosion.
Cependant, de tels systèmes ne font que relever la température et la pression à l’intérieur de la chambre du pneu même si certains risques surviennent en réalité à l’extérieur, comme c’est le cas pour le décollement de la bande de roulement. Il est arrivé de nombreuses fois que des pneus aient pris feu même si le système n’avait lancé aucune alerte au préalable. L’épaisseur du caoutchouc entre la bande de roulement et le revêtement intérieur peut atteindre 18 cm; le caoutchouc étant un excellent isolant, le feu peut s’allumer avant même que la chaleur ne parvienne à la chambre intérieure.
Alors que les mines misent de plus en plus sur l’équipement autonome, comment les inspections peuvent-elles être effectuées en toute sécurité de manière à réduire les risques pour les techniciens? En plus des systèmes de surveillance de la pression des pneus, une technologie d’inspection autonome des pneus a été mise au point pour détecter les problèmes d’importance de manière précoce et y donner suite rapidement sans que les techniciens doivent s’approcher des camions. Il n’est même pas nécessaire de s’arrêter : le système fait plusieurs relevés des pneus des camions qui passent devant les capteurs et est capable de mettre au jour les dommages à la bande de roulement et les points chauds. Il signale le tout, et la situation est validée par un expert qui recommande d’y remédier le cas échéant.
Des outils qui enlèvent un poids
La taille et le poids des pneus sont aussi des causes de nombreux risques, les pneus pouvant atteindre 4 mètres de haut et 5 tonnes. Il y a aussi le simple fait de manipuler les pneus, les jantes et les autres pièces qui peut créer des douleurs au dos, ou le technicien peut se pincer ou s’écraser les doigts.
Par la mécanisation et le perfectionnement des outils, la sécurité s’est grandement améliorée au cours des 30 dernières années. Parmi les grandes inventions, citons les manipulateurs de pneus, les outils de soutien des anneaux de verrouillage, les supports de préparation des pneus, les dispositifs de gonflage et dégonflage automatiques, les actionneurs à vérin, les détalonneurs et les solutions de levage.
Cependant, nombre d’outils et de machines d’entretien des pneus ont peu évolué depuis leur création et, pour être efficaces, il faut qu’ils soient bien utilisés, inspectés et entretenus. Certaines machines, en particulier les gros manipulateurs de pneus, ne peuvent être utilisées de manière sécuritaire que si on a suivi une formation, et la rigueur dans les façons de faire peut varier d’un endroit à l’autre. Les outils manuels lourds utilisés pour certaines tâches d’entretien, par exemple les pistolets dynamométriques qui peuvent peser jusqu’à 36 kilogrammes (80 livres), peuvent également causer des coupures, des ecchymoses et des foulures.
Si nous voulons optimiser et uniformiser les procédures dans l’ensemble de nos sites, nous devons notamment nous doter d’un système dynamique de gestion des formations qui contient des documents en plusieurs langues, de procédures de sécurité illustrées, d’un suivi des apprentis et d’un processus de révision en continu.
À l’heure actuelle, c’est aux minières qu’il incombe de veiller à ce que leurs fournisseurs de services appliquent les meilleures pratiques. L’uniformisation des formations partout dans le monde, avec l’intervention des grands acteurs de l’industrie et des organismes de réglementation, contribuerait pour beaucoup à l’adhésion aux normes de sécurité dans le secteur.
Il est important, d’un côté, de mettre en place des normes de certification pour les techniciens de pneu et, de l’autre, de reconnaître le travail qu’ils accomplissent. Aujourd’hui, les mécaniciens automobiles doivent obtenir une certification dans certains pays et on perçoit le travail des techniciens de pneu comme étant moins exigeant alors qu’on sait bien, dans le milieu minier, que c’est aussi complexe et dangereux. Se doter de techniciens hautement qualifiés et certifiés selon les mêmes standards partout dans le monde ne peut être que bon pour les protéger eux-mêmes et protéger tout le monde autour.
Partout dans l’industrie et dans les formations, il faut attirer l’attention sur les risques associés à l’entretien de pneus miniers et les graves conséquences qui peuvent survenir si on ne fait les choses correctement ou on n’utilise pas les bons outils.
Cap sur les mesures de contrôle plus efficaces que l’équipement de protection individuelle
Dans le secteur minier, le temps, c’est de l’argent, et pour les techniciens à qui on demande de remettre les machines rapidement en service, la vitesse d’exécution entre souvent en conflit avec la sécurité. Les technologies, les outils et les formations jouent certes un rôle dans la sécurité des techniciens, mais si on veut être vraiment efficace, il faut les déployer dans un certain ordre.
Aux dires de Dan Allan, vice-président principal de Mining Tire Group de Kal Tire: “Les mesures de contrôle dans le haut de la pyramide de contrôle des dangers ont tendance à être plus efficaces que celles dans le bas. Dans l’industrie minière, on suit des règles ou emploie de l’équipement de protection individuelle pour réduire les dangers, mais ce n’est pas suffisant. Il faut plutôt éliminer les dangers en changeant les façons de faire ou en privilégiant des mesures de contrôle techniques, par exemple de nouveaux outils, pour se protéger efficacement contre les dangers.”
Au lieu de jeter son dévolu sur l’équipement de protection individuelle, le temps est venu de repenser à notre façon de faire les choses et de trouver des moyens d’éliminer les risques par la modification des méthodes de travail ou l’innovation. Même si les mesures de contrôle administratives et l’équipement de protection individuelle auront toujours leur place pour les questions de sécurité, ce sont des mesures simples, et leur application dépend de la volonté du technicien de le porter chaque fois que c’est nécessaire. D’ailleurs, les processus au fondement du travail d’entretien de pneus n’ont pas vraiment changé depuis un certain temps. Il est plus difficile de changer les façons de faire que d’ajouter des règles et des habitudes à prendre, mais les résultats seront meilleurs à long terme. C’est donc un point fort important à prendre en considération.
Collaborer pour innover dans les outils
M. Allan est convaincu qu’il faut investir dans l’innovation si on veut éliminer les dangers au lieu de les contourner. “C’est pour cette raison que Kal Tire a créé son centre d’innovation en 2015 : régler le problème à la source et rendre les travaux autour de la roue aussi sécuritaires que possible”, explique-t-il.
En est notamment issu le système d’alignement assisté (GATR pour Gravity Assist Tooling Rig) de Kal Tire, qui a été mis au point suivant les commentaires formulés par les techniciens de l’entreprise. Les outils de la veine du GATR supportent le poids des outils pour faciliter le travail des techniciens. “Ils réduisent les cas de pincements des doigts, la fatigue et l’effort physique à déployer lorsqu’on installe des pneus surdimensionnés”, ajoute M. Allan.
Kal Tire utilise un système de suivi sur le Web où sont consignés les incidents, blessures et incidents évités de justesse survenus partout dans le monde. Il devient ainsi possible de créer des solutions et de voir si elles sont efficaces : on peut par exemple voir si le nombre de doigts pincés dans l’ensemble des succursales a diminué depuis l’adoption d’un nouvel outil pour l’enlèvement d’anneaux de verrouillage à ressort.
Les données au service de la sécurité
Les données générées par les systèmes de gestion des travaux sur les pneus pourraient servir à optimiser la planification et l’exécution des travaux d’entretien des pneus en fonction de facteurs tels que la sécurité et en quantifier les répercussions. Par exemple, dans une mine de Colombie-Britannique où œuvre Mining Tire Group de Kal Tire, un essai a été mené sur l’automatisation du transfert des données du système de surveillance de la pression des pneus au TOMS, le système de gestion des tâches liées aux pneus de l’entreprise. Ces essais ont montré une réduction du temps d’inspection, l’exposition des techniciens de pneu étant réduite de 40 %.
La robotique et l’automatisation pourraient aussi grandement favoriser la sécurité. L’automatisation est déjà courante dans certains volets, notamment le rechapage de pneus. La plupart des travaux manuels de polissage, de montage et de rainurage ont été éliminés, et on pourrait en faire encore davantage sur ce plan si la robotique prenait en charge les tâches qui restent, par exemple l’insertion du caoutchouc dans les extrudeuses.
“Les systèmes automatisés devenant de plus en plus abordables et réalisables, le nombre de possibilités d’automatisation dans le domaine de l’entretien des pneus s’accroît et donne à penser que nous pourrons éliminer les dangers et risques, déclare M. Allan. Le seul frein que nous avons, c’est l’imagination”
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